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Katerina Izmaïlova est-elle une femme libérée ? Ambivalences du féminin dans Lady Macbeth du district de Mtsensk de Dmitri Chostakovitch (1934)

dans UGA Éditions/Université Grenoble Alpes

Auteur(s) : Géry, Catherine

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2017-06-27T02:00:00Z
  • Notes
    • Le petit roman de Nikolaï Leskov Lady Macbeth du district de Mtsensk (1865) est un texte paradoxal, faussement naïf, habité par la peur et le désir, qui révèle curieusement l’image d’une sexualité féminine criminelle sur le fond des premiers mouvements de libération de la femme dans les années 1860 en Russie, tout en brisant l’interdit de représentation de la sexualité qui pèse sur toute la littérature russe savante depuis ses origines byzantines. Katerina Izmaïlova, la « Lady Macbeth » de Leskov, est en proie à une passion sexuelle privée des freins de la morale commune et des convenances sociales qui la pousse à commettre une série de crimes toujours plus atroces ; elle finira dans les ténèbres de la possession et sera durement châtiée par une mort ignominieuse, seule rétribution possible à l’ébranlement massif des lois humaines que sa conduite a provoqué.À partir de cette figure de femme dominée par ses seules pulsions et qui mettait gravement en danger l’ordre rationnel masculin, Dmitri Chostakovitch a réalisé un opéra de la désaliénation et de la compassion sociale, faisant subir de sérieuses transformations au personnage de Katerina Izmaïlova : l’héroïne de Leskov devient ici une « meurtrière innocente », une victime tragique de la violence et de l’oppression qui caractérisaient l’ordre moral et social mortifère de « la Russie bourgeoise et féodale » d’avant la Révolution. Chez Leskov, le meurtre s’inscrivait dans la continuité des débordements sexuels ; chez Chostakovitch, qui ne fait peser aucun jugement moral sur la revendication par Katerina de son droit à la jouissance sexuelle, c’est le résultat d’une volonté d’émancipation et un exutoire aux humiliations subies.Cependant, l’œuvre de Chostakovitch est profondément ambivalente, et la violence extrême qui caractérise tout l’opéra (dans ses motifs sociaux comme dans sa configuration musicale) n’est pas uniquement celle des rapports et des comportements dans la société russe patriarcale et phallocrate de la seconde moitié du xixe siècle, dénoncée par un jeune auteur soucieux de donner des gages de bonne pensée au pouvoir soviétique. Katerina, qui apparaît dans Lady Macbeth du district de Mtsensk sous le double visage du bourreau et de la victime, peut également être envisagée comme l’émanation culturelle d’un moment historique (« l’épisode stalinien ») qui, face à la montée des violences totalitaires, reste partagé entre la terreur et la fascination.
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