L’intérêt des lecteurs français pour l’école de Francfort a mis un certain temps à prendre forme. Ce sont d’abord Walter Benjamin, Herbert Marcuse ou Theodor Adorno, comme musicologue, qui ont été remarqués. Puis, dans les années 1975-1985, les importateurs français ont surtout mis en avant la « théorie critique ». Cette stratégie permettait de concilier les ambitions théoriques de jeunes aspirants philosophes et la recherche d’une forme à la fois noble, renouvelée et radicale de marxisme : ils célébraient une pensée « ouverte », hétérodoxe, complexe et tourmentée mais plus ou moins indéfinissable. L’article vise à mettre en relation les trajectoires de ces importateurs avec l’espace des possibles politico-intellectuels marqué par le désenchantement d’après mai 1968 et par les perspectives politiques de la gauche au pouvoir.