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Incertitude du temps révolutionnaire

dans Les éditions de la Maison des sciences de l’Homme

Auteur(s) : Wahnich, Sophie

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2014-04-17T02:00:00Z
  • Notes
    • L’incertitude du temps révolutionnaire que nous analysons ici concerne aussi bien les historiens ou spécialistes de sciences sociales qui observent les événements passés et présents que le vécu des acteurs. Ces deux dimensions du temps, temps observé et catégorisé et temps vécu, sont appréhendées dans une approche résolument comparative entre notre présent de « Révolutions, contestations, indignations » et la période de la Révolution française. L’objectif est de comprendre ce qui est de fait aujourd’hui récusé quand le mot « révolution » est déclaré inadéquat à la compréhension de notre présent. En revisitant la période de la Révolution française, l’article montre que c’est souvent la méconnaissance de cet événement qui a pourtant donné sa réserve empirique au concept de révolution des temps modernes, qui conduit à cette mise en doute. Il s’agit donc de montrer les analogies entre divers moments révolutionnaires ou nommés tels par les acteurs, pour tenter de saisir en quoi ce concept de révolution des temps modernes reste adéquat à l’analyse de notre temps, mais aussi de montrer ses limites et la nécessité de feuilleter à nouveau la sémantique historique du mot « révolution ». À ce titre, en historienne de cette sémantique, il nous paraît peu pertinent de récuser les mots des acteurs, même si nos représentations de la révolution sont parfois éloignées de ce que nous observons. Cependant, s’il faut prendre la mesure du neuf et du singulier, il nous paraît tout aussi important de tenter de mettre au jour un nomos du temps révolutionnaire. Non pas pour affirmer que toute révolution est avènement d’un temps glorieux reconnaissable à ce titre, mais pour montrer que l’ouverture du temps révolutionnaire s’opère dans un double mouvement. Celui que l’on pourrait nommer la grâce du précipité révolutionnaire où le temps se condense et s’emballe dans des moments de crises qui effacent les barrières sectorielles, les barrières de classe, de genre et d’âge, mais surtout donnent le sentiment d’un dépassement inouï du champ d’expérience comme de l’horizon d’attente. Celui de l’utopie des lignes brisées où le temps devient plus chaotique et où la conflictualité reprend ses droits. Le temps du précipité est alors aussi bien ce qui arrive, que ce qui bien sûr arrive par les acteurs mais à leur insu. Ce temps du précipité est avènement irréversible non dans ses effets empiriques et sociaux mais dans ses effets subjectifs. De tels événements marquent un avant et un après et le désir partagé par les parties prenantes de l’événement révolutionnaire de porter le projet ouvert par cet événement de façon à ce que la césure événementielle ne soit pas escamotée par le devenir. La peur d’une réversibilité et l’espérance d’une conquête sont alors les modalités subjectives émotives qui accompagnent cette temporalité. À ce titre, le temps révolutionnaire appelle le courage. Ce courage doit se déployer d’une manière plus lucide dans la séquence d’utopie des lignes brisées car alors que la grâce est vécue d’une manière synchrone, désormais règne un sentiment de chaos lié à une grande désynchronisation sociale. Le double risque révolutionnaire est alors le découragement lié à la déception, mais aussi la guerre civile liée à cette conflictualité désynchronisée. La question des effets de sillage des révolutions pose la question importante d’une synchronie possible entre des sociétés qui n’ont pas la même histoire, celles du Nord face à ces sociétés des printemps arabes. Nous proposons ici de prendre la mesure de cet écart mais aussi du commun, une requête de dignité, de reconquête d’humanité, de reconquête démocratique. À ce titre, il s’agit de redonner forme à la possibilité de penser non seulement « global », puisque la déshumanisation peut apparaître aujourd’hui telle à nombre d’acteurs, mais sans doute aussi « universel ». S’il n’y a pas synchronie des lieux de révolution et d’indignation, chaque lieu singulier semble bien receler une revendication de ré-humanisation qui, sans certitude, pourrait bien être révolutionnaire.
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