L’expérience des discriminations ne dépend pas seulement de l’intensité des discriminations subies : elle dépend aussi de leur enchâssement dans les inégalités sociales et des conceptions de la justice sociale qu’ont les individus. Cette expérience est d’autant plus vive que les individus adhèrent à l’égalité des chances méritocratique. Mais les personnes discriminées réclament, à la fois, un traitement égalitaire équitable et une reconnaissance de la dignité des identités qui appellent les discriminations. Cette double logique n’a pas les mêmes conséquences sur la société majoritaire : le combat pour l’égalité s’inscrit dans le modèle méritocratique majoritaire alors que la demande de reconnaissance met à mal les conceptions dominantes de la « nature » et de la nation qui fondent les cadres de la vie sociale ordinaire.