La conception de machines absurdes ou burlesques a une longue histoire, des inventions excentriques d’un Charlie Bowers (1889-1946) en passant par les circuits à la Rube Goldberg (1883-1970), qui compliquent les chaînes opératoires au lieu de les simplifier aux curieux appareils du chindogu japonais (art de fabriquer des gadgets utiles mais inutilisables). Au-delà de leur effet divertissant, comment saisir leurs vertus critiques ? Que gagne-t-on à les prendre en compte au lieu de les repousser d’emblée aux marges de l’histoire des techniques ? Charlie Bowers, plus connu sous le nom de « M. Bricolo », peut être vu à la fois comme un critique de la société industrielle et un précurseur du Do it Yourself. Il met en scène le devenir souvent dramatique de ses propres inventions, de leur conception à leur implantation. Il nous aidera ici à définir les contours de cette catégorie transgressive qu’on pourrait appeler le « wild tech », par rapport au « low tech » et au « high tech », ce moment où une invention dérive vers une forme-limite d’elle-même, se créolise au point de se rendre méconnaissable ou s’épanouit dans une direction que personne n’aurait pu prévoir.