Inquiets de l’instrumentalisation du récit et de la fiction à des fins mercantiles ou stratégiques, de nombreux écrivains et observateurs s’interrogent aujourd’hui : quels pouvoirs reste-t-il à la littérature, quand la logique capitaliste s’est appropriée ses outils et semble toujours en avance sur ses potentialités critiques ? Pour reprendre la terminologie d’Albert Hirschman, si les modalités de contestation (voice) semblent épuisées, qu’en est-il des possibilités de défection (exit), dans un monde en réseau qui se nourrit précisément de l’injonction permanente à la liberté et l’autonomie ? Déplaçant cette question sur le terrain romanesque, notre contribution s’intéresse à la volonté de retrait de quelques personnages contemporains (geeks, artistes reclus, militants autonomes, ermites des mondes virtuels, etc.), comparés à des figures littéraires emblématiques de la défection au xixe siècle (des Esseintes, Bartleby, Oblomov, Emma Bovary), de manière à mesurer les changements qui ont affecté l’espace même de possibilités de fuite, et leurs conséquences pour des formes de résistance en littérature.