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Mujô 無常, Nagare 流れ, Fukkô 復興 : entre tradition et modernité, le Tokyo Sky Tree et la culture de l'impermanence, du flux et de la renaissance au Japon.

dans Gregory B. Lee


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  • Date
    • 2013-06-20T02:00:00Z
  • Notes
    • Le séisme du 11 mars 2011 a rappelé au monde la vulnérabilité du Japon face au risque. De cette vulnérabilité, la société japonaise a édifié une culture de l'impermanence (mujô), qui joue un rôle majeur dans la façon dont sont conçues, perçues et construites les villes de l'archipel. Le moine et poète Kamo no Chômei (1155-1216) associait déjà au XIIème siècle l'image de l'écoulement (flux, nagare) de l'eau de la Kamogawa, à Kyoto, à la manière dont les habitations sont vouées à disparaître. De la conscience de l'impermanence des choses découlent la primauté accordée au foncier sur le bâti, ou encore la culture de la périssabilité des objets urbains. Ces deux éléments culturels expliquent l'extrême malléabilité et adaptabilité de la ville japonaise, que l'architecte Ashihara Yoshinobu compare à une amibe, dont l'ordre serait caché. Cette malléabilité fait de la ville japonaise une ville fondée sur le flux et la forme, à l'inverse de la ville européenne patrimonialisée, fondée sur le stock et sur la matière. De cette culture de l'impermanence nait la culture de la renaissance : à ce titre, la catastrophe n'est ainsi jamais vécue sous les espèces de la pure calamité, mais se présente aussi comme l'opportunité purificatrice qui permet la reconstruction – et, dans un contexte citadin, la renaissance urbaine (fukkô).Fruit du flux (nagare), de l'impermanence (mujô) et de la renaissance de la ville sur elle-même (fukkô), la nouvelle tour de télécommunication à Tokyo, la Tokyo Sky Tree, second plus haut bâtiment du monde après le Burj al-Khalifa, se veut non seulement représentative d'un Japon post-catastrophes, mais aussi le symbole d'une culture de l'adaptabilité.Bâti sur le flux (nagare), ce n'est pas un hasard si le Tokyo Sky Tree a été pris en charge en grande partie par une compagnie ferroviaire privée. Bâti sur l'impermanence (mujô), le Tokyo Sky Tree articule, dans une association subtile, tradition et modernité. Le Tokyo Sky Tree est le symbole de ce que Hamaguchi Eshun appelle « la culture de l'entre-lien » (awai no bunka, 間の文化). Si l'entre-lien au Japon est fondé sur le Ma 間, notion qui exprime l'idée d'un intervalle à la fois concret de l'espace-temps et abstrait de l'inter-subjectivité, il trouve tout son sens dans la réalisation du Sky Tree, qui articule les espaces de la ville basse, qui associe les époques, qui brasse les populations autour d'un nouvel espace central de l'urbanité tokyoïte, et qui exprime au monde l'essence de la spatialité japonaise matinée de globalisation.
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