Le chant polyphonique corse

Patrimonialisation d'une pratique vocale collective

Comme le souligne l'ethnomusicologue Bernard Lortat-Jacob : « Les pratiques vocales collectives ne sont pas seulement indispensables à la fête, au rituel, à la possession, à la chasse et à tant d'activités humaines ; elles sont susceptibles de construire des catégories de pensée et d'action. Elles ne se contentent pas d'accompagner la procession ou la fête profane, elles en fournissent le cadre sonore et gestuel ; elles ne sont pas un simple accessoire du rituel : elles en sont l'un des attributs majeurs ; au sein d'une action partagée impliquant chanteurs et public, elles indiquent et même parfois racontent ce qu'on fait ensemble, et lorsque, comme c'est souvent le cas, elles investissent le domaine religieux, elles ne constituent pas un décorum ou le simple support sonore d'une dévotion : elles sont (ou peuvent être) l'essence de l'acte dévotionnel, incarnant le divin, souvent de façon métaphorique. »
[Bernard Lortat-Jacob et Miriam Rovsing Olsen, « Musique, anthropologie : une conjonction nécessaire » in L'Homme, 171/172, 2004, pp. 7-26]

L'auteure de cet ouvrage propose une approche anthropologique du Cantu in paghjella, chant polyphonique profane et liturgique de Corse, de tradition orale, reconnu par l'UNESCO en 2009, comme Patrimoine Culturel Immatériel et inscrit sur la Liste de Sauvegarde d'urgence. Héritage culturel tout autant que marqueur identitaire dans un environnement sociétal évolutif, signature performancielle tout autant que posture sociale : si préserver et transmettre la technique et l'esthétique de cet art vocal ont été des valeurs affichées, tout au long de l'enquête de terrain, comme étant au coeur des préoccupations des pratiquants, le Cantu in paghjella a également été analysé en termes d'enjeux des différents acteurs impliqués dans ce processus de patrimonialisation et appréhendé dans les actions menées, en termes de perspectives.