Cet article s'intéresse à la traduction russe de Lolita que Vladimir Nabokov a achevée en 1965, première, et unique, auto-traduction russe de l'un de ses romans anglais. Après un examen des phénomènes touchant à la structure, à la langue et aux tropes que la transposition du texte anglais en russe a induits, l'idée s'impose que Nabokov a cherché non seulement à inscrire dans son texte russe sa propre différence artistique, une différence toute sirinienne, mais aussi à inventer un futur, et hypothétique, lecteur russe. Car l'enjeu de l'auto-traduction était bien à la fois de réinscrire l'auteur Nabokov dans le cours brisé de la littérature russe mais aussi de donner à la littérature russe une œuvre qui signerait le début d'une seconde renaissance de la littérature russe moderne, par-delà l'âge soviétique.