Vigoureuses paraboles sur l'esprit d'enfance, sur le merveilleux et sur le destin d'un artiste, les nouvelles de Steven Millhauser, lauréat du Prix Médicis étranger en 1975, démontrent une nouvelle fois l'originalité extrême de cet écrivain dans le panorama littéraire américain. Ses personnages observent la transfiguration des choses sous l'effet de l'art et du temps : les rouages d'une vieille horloge, le bruit des pas dans la neige ou l'écoulement du sable dans un sablier deviennent ici le prétexte d'un «réalisme rêveur» et d'un art de la miniature. Dans la première nouvelle, August Eschenburg, un jeune fabricant d'automates, s'emploie à recréer la vie par tous les moyens mais son théâtre de marionnettes se heurte bientôt à l'incompréhension et à l'indifférence d'un monde qui lui semble totalement étranger. L'Allemagne métaphysique de Kafka n'est pas loin.

Mais le monde étrangement ludique de Millhauser, où des statues de pierre reprennent une apparence de chair dans la cité minuscule du Cathay, où la nostalgie de l'âge des jouets jette un regard trouble sur les destinées adultes, éclaire une œuvre centrée sur la figure de l'enfant-artiste. Et il n'est pas une de ces nouvelles qui ne persuade que l'enfance, décidément, est la voie royale de l'imaginaire.