L'oeuvre de Charlotte Delbo (1913-1985) est marquée par son expérience de la deuxième guerre mondiale, notamment par les traumatismes dus à sa détention dans les camps d'extermination et de concentration nazis, et à l'exécution de son mari, résistant communiste. Pour «dire» cette expérience, Delbo fait appel à la littérature, subordonnant l'aspect historique de son témoignage à la poésie et au théâtre. Les conséquences de cette décision sont examinées dans cet essai. Quelle mémoire Delbo nous propose-t-elle? Comment correspond-elle aux mythes officiels et culturels? Quelles vérités nous dévoile-t-elle? Parmi les facteurs qui conditionnent cette mémoire, l'influence formatrice de Jouvet est tangible. Mais, à travers des analyses textuelles, c'est l'originalité de l'écriture découlant des stratégies suivies et des choix décidés que cette étude illumine: la forme inclassable, le jeu des temps, le rôle de la spatialité et du corps, les tons adoptés. Cette voix est reconnaissable, singulière: elle «donne à voir l'inconcevable», elle nous «fait sentir» les souffrances, mais par-dessus tout, elle donne corps à la beauté que Charlotte Delbo cherche à découvrir dans l'humanité.