L'organisation des Frères musulmans a été fondée en 1928 par Hasan al-Bannâ. Avec elle est né le plus grand mouvement islamique que le Monde arabe et islamique ait connu au cours du XX^e siècle. Les Frères musulmans ont été au coeur des événements qu'a vécus la région depuis cette date. Ils ont combattu en Palestine en 1948, ils ont soutenu le roi Farouk dès le début de son règne, sans toutefois parier sur la monarchie. Opposés à Nasser, réconciliés avec Sadate, ils se sont finalement retournés contre ce dernier puis contre son successeur le président Moubarak. C'est un mouvement aux multiples visages dont les priorités varient en fonction du contexte politique.

À l'instar des régimes arabes, les Européens n'ont pas traité de la même manière les différents mouvements se réclamant de « l'école des Frères musulmans ». Ainsi, ils refusent d'établir un dialogue avec le Hamas en Palestine alors qu'ils ont soutenu l'intégration en Iraq du Parti islamique irakien et ont pris une position neutre à l'égard du mouvement « La Société de la Paix » en Algérie. En Égypte, ils sont toujours exclus du jeu politique et le régime actuel les considère comme un mouvement illégal, bien qu'ils aient réussi à gagner 88 sièges au Parlement égyptien et possèdent une existence légale en Jordanie, au Koweït et au Yémen.

Dans cet ouvrage, l'auteur fait le récit et l'analyse des évolutions qu'a connues le mouvement. Jusqu'en 1948, les Frères musulmans restent fidèles à un discours moralisateur. C'est à l'occasion de leur participation à la guerre en Palestine qu'ils acquièrent une dimension militaire, connue sous le nom d'Organisation spéciale des Frères musulmans (al-Tanzîm al-Khâss). À la fin des années 1980, les Frères abandonnent le dogmatisme idéologique et politique qui les avait caractérisés au cours des quatre décennies précédentes. C'est un modèle d'action politique et sociale qu'ils cherchent à incarner dans une nouvelle phase politique.

Amr Elshobaki s'interroge enfin sur l'étendue de la transformation survenue dans le discours des Frères musulmans vis-à-vis du processus démocratique. Le mouvement a-t-il favorisé ou non l'ouverture démocratique et l'acceptation des règles du pluralisme politique ?