Etre une île, c'est étrange, déterminant et paradoxal. C'est conjuguer l'ivresse splendide de l'isolement et le gouffre de la misère. C'est lutter pour se préserver la terre de l'étranger, et risquer de mourir faute de rapports avec lui. C'est rêver d'évasion et de retour, c'est une névrose et c'est une chance.

Paradoxes de l'insularité en général, qu'une nature particulière s'est plu ici à dramatiser, à exacerber. Une beauté aussi grandiose qu'oppressante, inspiratrice d'orgueil, de passion, de violence. Lumière écrasante du soleil et ombre des forêts, silence des pâturages et brutalité des orages, bleus du ciel et ocre d'une terre âpre, hostile et morcelée.

La société pastorale corse, constituée sur des bases familiales et villageoises, a vécu en osmose avec cette nature. Aujourd'hui encore, c'est indéniable, elle lui ressemble.

Exception dans l'ensemble français par sa situation, sa géographie, son histoire, sa culture, sa démarche politique, en butte à l'incompréhension avouée de l'opinion occidentale, la Corse mérite une approche moins assujettie aux simplifications médiatiques. Désormais confrontée aux enjeux de la modernité, la Corse doit résoudre des dilemmes cruciaux, entre d'une part la préservation des liens communautaires, de son environnement naturel et d'une culture propre exposée à une mondialisation accélérée, et d'autre part les dérives et les contradictions du combat nationaliste et les impératifs de sa survie économique.