La Grande Odalisque

Archétype de la sensualité, La Grande Odalisque affiche depuis bientôt deux siècles cette « volupté profonde » (Baudelaire) emblématique des fantasmes que peut susciter un nu féminin. Le regard qu'elle adresse à celui qui la contemple, à la fois inquisiteur et nonchalant, sa nudité presque intégrale, troublante sinon dérangeante, les distorsions anatomiques volontaires qu'on lui a tant reprochées par le passé - « Elle a trois vertèbres de trop ! » (Kératry) -, tout fascine dans L'Odalisque d'Ingres. Audacieuse à bien des égards, cette figure à l'érotisme d'autant plus exacerbé qu'il ne sert aucune narration ne pouvait que provoquer l'incompréhension de ses contemporains. Avant de devenir, sans doute, le nu le plus célèbre de la peinture française, La Grande Odalisque dut, en effet, affronter une hostilité quasi unanime d'une violence inouïe.

Évoquant la question complexe de ses diverses versions dessinées, peintes et gravées, réexaminant avec minutie son histoire à la lueur d'informations inédites, Dimitri Salmon apporte un éclairage nouveau sur ce chef-d'oeuvre jadis tant décrié et petit à petit élevé au rang d'incarnation de la beauté idéale. Une beauté paradoxale qui sera loin de laisser indifférents les créateurs des XIX^e et XX^e siècles.